André Hamel
Mourir d’oubli
Leméac éditeur, 2017
CE QUE DIT LE ROMAN
Sous le coup tantôt d’une grande fatigue, tantôt d’une grande inquiétude, Albert Allibert se laisse porter par les images qu’on lui a transmises et qu’il a conservées des morts dont il est le personnage: une mère distinguée devenue demoiselle Lupien et morte de démence, un père fantaisiste et effacé, perdu dans ses tableaux et ses inventions, une grande sœur disparue très tôt loin de la grand’rue, un grand-père déchu, visionnaire lubrique bon pour l’asile, une arrière-grand-mère qui fait de la misère les plus belles courtepointes du pays, une poupée de guenille et les frères Awashish qui, à la tête de l’île des Piles, dravent les corps des justes pour empêcher qu’ils ne s’échouent dans les eaux basses du chenal. Défilent ainsi la Batiscanie et la Mauricie, les âges brefs de la fourrure, du bois, du fer, de l’électricité et du papier, le temps long d’avant les blancs et les temps muséaux du Midwest réinventé. Mourir d’oubli est l’histoire de ce «peu pays» où se croisent, pur-sang et sang mêlé, les petites gens et leurs grands-prêtres, mais c’est aussi le mausolée d’Albert Allibert qui jette entre la mort et lui des armées de défunts qu’il fait revivre, quitte à leur inventer une vie, car il sait que tous meurent d’oubli, au bout du récit.
CE QU’EN DIT L’ÉDITEUR
Mourir d’oubli est une sorte d’ovni dans le ciel du Québec. À quoi comparer cette prose précise et rythmée, simple et recherchée, parfois précieuse et toujours juste? Ce sens des scènes qui donne à la lessive du lundi ou à l’attente du premier avion-réacteur une dimension épique? Ce regard qui saisit le grain des êtres, des objets et des lieux pour mieux les plonger dans cette vie cachée à laquelle seule donne accès la sympathie de l’imagination? On relit pour ne pas que ça finisse, on s’étonne que ce soit un premier roman, on doute que ce soit le dernier de celui qui se dit «un vieil auteur de la relève qui fouille et farfouille, se découvre et s’invente».
André Hamel est né à Grand-Mère, en Mauricie, en 1944. Il y a vécu ses vingt premières années et il est en passe d’y vivre ses dernières.
CE QU’EN DIT LA CRITIQUE
Le Devoir, 23 septembre 2017, page F1